Vit à : à Auch et Toulouse , FR
Critique d’art et commissaire d’exposition.
Après avoir rédigé un mémoire sur le kitsch à Lourdes dans le cadre de son master en arts plastiques / arts appliqués, elle poursuit ses recherches sur les frontières entre les arts visuels (art & graphisme contemporains) et la sociologie en mettant en résonance les comportements sociaux et les pratiques artistiques actuelles.
Dans le prolongement de ses fonctions menées pendant plusieurs années en tant que chargée d’expositions en région au sein du Frac Occitanie-Toulouse et de commissaire d’exposition indépendante, elle est sollicitée en tant qu’expert lors de jury, diplômes d’écoles d’art, Aide individuelle à la création- DRAC Occitanie, commandes publiques au titre du 1% artistique.
Depuis 2016, elle est également directrice artistique de MEMENTO – Espace départemental d’art contemporain – projet de laboratoire artistique dans un ancien carmel en cours de réveil.
Elle s’intéresse particulièrement à la scène artistique émergente en engageant une réflexion avec les artistes entre des espaces non dédiés aux expositions et à la création contemporaine.
APPROCHE CURATORIALE
Karine Mathieu développe des recherches sur les nouvelles formes de l’exposition en étudiant les pratiques relationnelles en échos à la création actuelle. Elle propose des modèles alternatifs au lieu classique d’exposition en explorant des espaces et lieux habituellement non dédiés à l’exposition. Les champs des croyances et pratiques populaires sont à l’origine de ses projets curatoriaux mettant l’expérimentation et le dialogue avec les artistes au cœur du processus de création collective. Les lieux / les artistes / les médiateurs / les publics sont au centre de son approche curatoriale.
Convier des artistes à prendre possession d’une histoire aussi singulière que celle de MEMENTO relève d’une palpitante pudeur. Les espaces de cet ancien Carmel invitent à repenser la notion même d’exposition où la force de l’expérimentation scelle les rencontres artistiques. En explorant les mémoires de cette bâtisse, une évidence s’opère : celle de plonger à coeur perdu dans les plaisirs simples. En somme, tendre vers une quête altruiste de l’art. Conçue comme un laboratoire de curiosités contemporaines, l’exposition se construit autour d’une idée centrale : repenser la belle notion de communauté. Qu’est-ce qui nous fait être ensemble ?
La tentation est grande de recréer ici une microsociété éphémère où se cultiverait l’attention des uns envers les autres et dans laquelle interagiraient activité humaine, création et contemplation. Il s’agit alors d’invoquer ce qui est le propre de l’humain : la délectation, l’euphorie, l’amusement, la réjouissance, le temps libre et la spontanéité, autant de caractères et de sentiments mis en marge par le pragmatisme de nos sociétés en soif de performances.
Ainsi, l’exposition se pense comme un terrain de jeu où s’épanouissent librement de fraiches émotions. Elles tissent une histoire entre les œuvres, le public et le lieu. La partie se joue alors dans une alliance souvent drôle, peut-être déroutante, parfois incongrue.
L’exercice se pare aussi d’une autre question, celle de notre rapport à la création contemporaine. Apparemment trop éloigné de la réalité du monde pour certains, l’art d’aujourd’hui plonge profondément ses racines dans la vie, en se ressourçant en permanence dans les cultures populaires et les conventions sociales qui régissent nos communautés de vie. Alors, oui, EN MARGE se veut une véritable profession de foi : faire de l’art contemporain un manifeste populaire. Le plaisir procuré ne peut se garder feutré. Autour d’un enjeu esthétique, les pratiques, sans cesse réinventées, prennent ici des voies simultanées.
Il sera alors question de fédérer les genres et les usages populaires par le geste artistique en questionnant l’identité même de ce que nous désignons comme « populaire ».
Loin de nous l’idée d’opposer les pratiques entre elles mais, bien au contraire, de s’amuser de l’accès aux formes sans pour autant se priver des références liées à l’histoire des arts et des sociétés.
Stuart Hall* défend l’idée que la culture populaire est l’un des lieux où la lutte pour et contre la culture du puissant est engagée. C’est l’arène du consentement et de la résistance. Dans ce même rapport de force, l’exposition invite à une relecture des signes et des usages culturels qui fondent une histoire commune. Elle en révèle les contradictions, les faiblesses, les absurdités et obsessions de nos pratiques relationnelles.
Alors, pour un temps libéré, soyons en MARGE !
Rendre visible l’imperceptible élargit les champs de l’émerveillement. Notre construction au monde oscille sans cesse dans cet équilibre fragile entre l’ordinaire et l’extraordinaire. Le prestige de l’irréalité développe une alchimie particulière, il renverse notre rapport aux émotions, trouble les comportements physiques et psychiques que nous entretenons avec un environnement. Le désir d’émancipation des imaginaires frémit. Dans un contexte actuel où la société inquiète, tremble d’une peur souterraine, l’exposition SUPRA REEL propose une excursion du sensible en soupçonnant ce que l’imaginaire pourrait voir.
Faire un pas de côté avec le monde factuel, est une invitation à s’aventurer dans une force illusoire nouvelle.
Les artistes conviés ont tous en commun ce désir de déplacer les frontières du réel.
En interrogeant notre perception de la réalité, notre manière d’être au monde, ils inversent les normes de nos univers.
En bousculant les notions d’espace-temps, de perception, de transformation des représentations, ils instaurent une relation impulsive à l’espace. Les strates se tissent dans une expérience collective fondée sur l’équation espace-oeuvres-visiteurs. Cette magie triangulaire rénove nos émotions, questionne nos rapports à l’image pour décontextualiser le visible et le non-visible.
En réaffirmant « l’ici et le maintenant », cet ancien Carmel, fermé depuis plus de 10 ans, fusionne l’esprit des lieux avec l’esprit de la création.
MEMENTO, nouvel espace d’art contemporain, est un écrin de silence, en cours de réveil. Ces espaces abandonnés sont incarnés d’une réalité oubliée. Ils deviennent au contact de la création contemporaine une parenthèse utopique jouant d’une nouvelle perception des certitudes. Un lieu éphémère où l’idée de musée côtoie celle du laboratoire artistique. Loin des traditionnels « white cubes », le visiteur explore ici une relation fusionnelle entre espaces d’exposition et oeuvres contemporaines. Une rêverie collective se loge dans les pores du bâtiment et dans les veines des oeuvres pour une expérience en temps réel des limites de la perception. L’exposition SUPRA REEL sublime l’incantation du désir. Aussi longtemps que l’illusion persiste, apparaîtra une existence réelle éloignée des réalités paralysées.
co-commissariat avec Magali Gentet – le Parvis scène nationale (Ibos-65)
L’exposition VARIATIONS [sur un même thème] explore les saisissements plastiques d’artistes de la scène contemporaine qui expérimentent les procédés du son et de la musique dans leurs multiples variations, leurs représentations mentales, collectives et sociales. Comment rendre visible ce que l’on entend ? De quelle façon la musique peut-elle s’incarner dans des formes ? Cette introspection dans la sphère musicale enchevêtre les sens et balaye les genres. De l’inframince ou de l’imperceptible à « l’hyperrockalisme » (concept créé par l’artiste Elodie Lesourd), les mouvements musicaux s’interpénètrent pour faire converger des réalités séparées et amplifier l’image que les cultures musicales populaires renvoient dans le champ des arts plastiques. Les artistes invités (parfois musiciens, producteurs, performeurs…) déjouent et rejouent les scènes artistiques en les rendant hystériques, comiques, iconiques, organiques ou poétiques. Cette incursion dans l’antre de la musique exhorte une esthétique sonore, plaçant le visiteur dans un écart, loin de ses repères attendus.
Le musicien-plasticien est une sorte de magicien de l’onde, qui se définit lui-même comme un « créateur non pas d’objets mais d’expériences ». Il lui faut peu de choses – l’eau, du vivant, du mouvement et aussi quelques guitares, batteries et pianos – pour créer des dispositifs qui enchantent durablement le spectateur. Surnommé « The birdman of Paris », il est justement connu depuis plusieurs années pour ce projet qui s’installe au centre d’art. Plusieurs dizaines de couples de mandarins sont libérés dans les 300m2 d’espace, transformés pour l’occasion en volière géante. Chanteurs et grégaires, ces oiseaux nichent en groupe sur d’insolites perchoirs, qui consistent en une dizaine de guitares et de basses électriques amplifiées et prêtes à accueillir ces volatiles qui, au gré de leurs mouvements sur les cordes, jouent live des accords préenregistrés rock, punk et métal. Tandis que les sonorités qu’ils génèrent se superposent à leurs propres chants, le concert de pattes sur guitares électriques qu’ils improvisent est régi par les battements d’ailes des oiseaux et les mouvements des visiteurs. Des visiteurs qui ont l’impression de se retrouver en « territoire oiseau », dans un lieu qui ne semble pas appartenir à l’homme. Où la situation peut devenir humoristique, où le détournement des instruments, l’atmosphère inattendue et éminemment sensible, peuvent provoquer la surprise et le rire. Le centre d’art, généralement silencieux, apparaît alors sous une autre forme : un lieu de vie bruyant et dynamique. From here to ear connaît un véritable engouement qui se conclura par l’une des meilleures fréquentations que le centre d’art ait connues. Céleste Boursier-Mougenot, quant à lui, représentera la France à la Biennale de Venise l’année suivante.
MEMENTO expérimente la notion de communautés éphémères dans le cadre d’expositions collectives. Le lieu devient un domaine artistique où les oeuvres et les salles interagissent pour construire un environnement commun, fantasmé. Entre stigmates architecturaux et strates d’espaces, cet ancien carmel dialogue avec l’art contemporain dans une expérience immersive au coeur de la création. En posant les fondements artistiques et humains de ce « micro-monde » suspendu, il apparaît que cette approche avec les artistes, le lieu, et le public constitue une véritable communauté au sens biologique du terme. Un système au sein duquel des organismes vivants partagent un environnement commun, en interaction.En définitive, Memento est un écosystème fidèle à sa définition écologique. L’interrelation entre ses zones hétéroclites et la réunion d’une biodiversité artistique favorisent le développement d’une matière sensible fondée sur l’engouement et le partage culturel.
Memento #4 poursuit cette quête en affirmant cette année son biotope, c’est à dire son lieu de vie. La bâtisse est une combinaison de salles plus ou moins complexes possédant chacun une identité propre (chapelle, salon, chambre, cloître) mais indissociables de l’ensemble du bâtiment.
Les artistes sont invités à prendre part à ce petit théâtre du monde pour ensuite y convier les nouveaux acteurs : les spectateurs. Il se dégage de cette expérience un principe de « poupée russe » où la découverte s’enchaîne à travers une déambulation aussi bien mentale que physique. Un décor dans le décor, des mondes dans des mondes… où les oeuvres troublent l’ordre psychique du visiteur. Puisant dans l’origine des dioramas dont la visée était de créer par l’illusion une expérience optique, l’exposition s’envisage de scènes en scènes, plongeant l’invité au coeur d’une trame, d’une histoire commune. Ainsi, la distance entre les espaces, les oeuvres et les personnes se resserre dans une intimité de la rencontre. Car il s’agit bien, ici, de favoriser le rapprochement entre ces trois protagonistes et de briser le « 4ème mur ». Initialement propre au domaine du théâtre, ce terme désigne la volonté de rompre le mur fictif entre l’étendue scénique et la zone du regardeur pour traverser la frontière qui sépare le réel de la fiction. L’exposition tente de rendre perceptible cette transition entre des mondes qui ne sont pas sans rappeler ce que l’on nomme en écologie le concept d’écotone*.
Les oeuvres tissent un rapport intime entre elles autour de mondes naturels et artificiels bâtis par notre société…Vers un écosystème « humainement modifié » !
DELPHINE BALLEY, CHARLOTTE CHARBONNEL, MAUDE MARIS, ANTHONY MC CALL, JEAN-GABRIEL PERIOT, CHANTAL RAGUET, KEN SORTAIS, AMANDINE URRUTY
L’exposition WHITE SPIRIT se consacre aux croyances, aux mémoires, à leurs résonances avec l’esprit du lieu. Partant de la spécificité mémorielle de MEMENTO, uneréflexion collective se développe autour des passerelles entre mondes visibles et invisibles :
– De l’archivage d’images aux héritages du passé, entre voir, croire et transmettre, comment l’image se fait vecteur de représentation : entre preuve du réel et puissance de l’irrationnel ?
– Des pratiques et traditions religieuses aux croyances populaires : la place deS phénomènes naturels et surnaturels.
– Du corps matériel au corps immatériel : l’oeuvre comme expérience de rencontre. En altérant notre perception, l’exposition esquisse une pensée collective sur la place du regard au sein d’une société en mutation. En puisant dans la force magnétique du passé, les récits se tissent et se diffusent dans les pores du bâtiment, réactivant ainsi l’expérience d’un croire ensemble. Dans cet échange entre les artistes et le lieu, il s’agit de questionner les limites temporelles de nos émotions. Ce qui reste, ce que nous gardons ou réinventons du socle commun de la mémoire – ethnologique, religieuse, patrimoniale, sociétale. Pour cette expérience commune, les artistes ont puisé dans les archives du lieu (photos,textes, objets), dans ses légendes, mais aussi dans nos histoires personnelles avec le site depuis sa réouverture en 2016. Des voix plus inattendues, plus «immatérielles » aussi, comme l’enregistrement d’une séance avec un « voyant », dont la faculté médiumnique lui a permis de « converser » avec le lieu. Science et croyance s’entrechoquent pour sonder la mémoire d’un site longtemps oublié, qui peu à peu s’éveille.
L’exposition MUTATIONS porte une attention commune aux notions d’espaces, de constructions et de bâtis pour réfléchir ensemble sur les manières d’habiter un lieu. Agissant comme un révélateur, cet ancien carmel figé dans le temps se retrouve mis à nue par les artistes qui en subliment ses failles, ses fissures, ses espaces en transition. Son ossature en chantier, chargée des traces du passé devient l’habitacle de leurs univers personnels. Leurs œuvres réalisées pour le site ou empruntées à des galeries et institutions publiques constituent une histoire partagée pour renverser les cloisonnements entre l’art, l’artisanat et le monde industriel. Ici, les matériaux de chantier deviennent la matière première du procédé de la création, la perception des zones domestiques et publiques s’entremêlent pour se livrer à une exploration énigmatique de l’architecture.
Invitée en résidence, l’artiste Rebecca Konforti plonge le spectateur dans une immersion picturale, il devient témoin de la mémoire des murs. Olivier Kosta-Théfaine fait corps avec l’habitation pour remettre au centre les territoires mis en marge. Nicolas Momein se joue des dimensions spatiales en invitant le visiteur à parcourir une matière industrielle, quasi charnelle. Lynne Cohen révèle l’intrigue des intérieurs où le factice prend le pas sur le réel. Nina Childress prolonge cette intimité en réanimant les codes d’un habitat désuet. Le collectif Fact déplace la vision d’un bâtiment pour en faire le témoin principal de nos présences humaines. Nos entendements sont ainsi ébranlés pour une nouvelle appréhension du quotidien. Car il s’agit bien ici de regarder le « laid » sous le prisme du beau. Apprendre à voir à nouveau l’anodin comme une subtile beauté trop souvent reléguée au rang « des éléments pauvres ». Les matériaux premiers, devenus si précieux en temps de crise, se transforment au contact de la création en des matières raffinées. Estelle Deschamp les exploite dans un travail d’empilement rendant au chantier ses lettres de noblesse. Jean Denant lui confère une métamorphose poétique quasi reliquaire. Ici, l’architecture s’attendrit dans l’abandon, la mutation. Les endroits délaissés révélés par Roxane Daumas témoignent de ce pouvoir attractif pour les ruines contemporaines. L’exposition MUTATIONS traverse la présence des hommes, incarne les espaces. Elle porte en elle la splendide patine du temps qui passe et son devenir en perpétuelle édification pour décentrer les normes et raviver les marges.
MEMENTO œuvre à réveiller l’esprit des lieux, celui de cet ancien Carmel du XIXème siècle reconverti un temps en archives départementales et qui continue aujourd’hui sa pleine métamorphose en un étonnant théâtre des rencontres artistiques. Car ici se joue, dans une étincelle de magie et de plaisir non dissimulé, le génie hédoniste du lieu qui fait éclore à l’ivresse des beaux jours les communions inspirées et passionnées des oeuvres et des visiteurs. Il était donc tout naturel, après ces temps de turbulences sociétales, de remettre au centre de nos préoccupations cette ode à la liberté et aux délectations des retrouvailles qu’offre le feu de l’art. Ce voeu s’est concrétisé cet hiver par une résidence en nos murs de la commissaire d’exposition Julie Laymond et des artistes Ilazki de Portuondo et Nicolas Puyjalon. Ces temps d’immersion dans les coulisses de MEMENTO, voire dans ses profondeurs, ont abouti à la conviction partagée que MEMENTO est bel et bien un espace privilégié, propice à accueillir en nous et par-delà nous ce qui nous anime tant, dans nos attentes et nos désirs : la possibilité de pouvoir créer dans un lieu qui nous est donné pour cela…un lieu à soi. L’exposition Résidence Secondaire prend au pied de la lettre cette aspiration profonde. Elle fait de Memento une villégiatura au sens étymologique du terme : « séjourner dans sa maison de campagne pour s’y reposer ou s’y divertir ». Le temps d’un été sans fin, les oeuvres deviennent les convives d’une demeure où les rencontres charnelles, intimes, imaginaires, politiques et spirituelles incarnent les espaces de cette grande demeure. Il est question du chez soi, du refuge, de l’intimité, d’une narration commune à tous où la magie de l’art règne en maitresse de maison. Les œuvres renouent ici avec la notion de réunion familiale où se cueille le jour présent sans se soucier du lendemain.
La maison a toujours été au centre du monde, image de l’univers propre à chaque individu.
Elle constitue symboliquement la construction sacrée ; c’est- à-dire, à l’instar de la création divine, l’organisation et l’agencement de la matière. Les artistes invités, confirmés ou émergents, poètes, plasticiens, écrivains, musiciens ou cinéastes, ont tous en commun de revendiquer une présence au monde par la création. Ils s’infiltrent ici avec brio dans les unions, les contradictions, les paradoxes de nos univers intérieurs et extérieurs. Leur détermination et leur énergie scellent cette nouvelle édition.
L’exposition Résidence Secondaire cristallise les chapitres de l’existence humaine comme autant de pièces de vie privées ou publiques. La demeure devient un condensé de vie, appelant aux voyages immobiles dans le temps et l’espace. Les petites et grandes histoires se livrent dans le silence des portes entrouvertes, elles tentent de saisir les intimités nouées entre la maison et l’être qui l’habite. Les oeuvres nous reconnectent avec les strates palpables ou imperceptibles de nos fondations charnelles, spirituelles et matérielles. De pièces en pièces, de mémoire en mémoire, d’élévation en destruction, l’esprit de la maison vient déranger nos certitudes, nos perceptions du quotidien. Les oeuvres prennent leur autonomie, elles sont les convives de MEMENTO. Les objets vivent, les émotions transpirent, les plaisirs s’éveillent pour échapper, presque, au contrôle qui voudrait les contraindre. Dans ce sanctuaire de confessions, les secrets des pratiques séculaires se révèlent pour faire éclore des intimités partagées. Derrière les murs, les temps passés rejoignent les mondes actuels. Dans l’autel des croyances du plaisir de la vie et de la beauté des valeurs artistiques, s’ouvrent les portes de Résidence Secondaire pour faire du chez soi votre chez vous.
MEMENTO célèbre avec sa nouvelle exposition le pouvoir des émotions avec une exposition dédiée aux plaisirs des connexions humaines, aux forces des ressentis et des sensations. Depuis son ouverture, cette ancienne demeure de carmélites ne cesse de faire peau neuve grâce à la création. Durant la période hivernale, les lieux dénudés s’offrent aux imaginaires des artistes pour écrire une aventure commune. Dans ce sanctuaire des confessions perdues, les mémoires se révèlent pour faire éclore des univers partagés. Derrière les murs, les temps passés embrassent les mondes actuels. Dans cet autel des croyances, dédiées aux voluptés de la vie et aux beautés des valeurs artistiques, s’ouvrent les portes de l’exposition FULL SENTIMENTAL. Devant la sidération d’un monde mis à mal par une succession de crises, l’assèchement des sentiments et du merveilleux serait-il inéluctable ? Comme l’eau sur terre, l’émotion serait-elle amenée à se raréfier, voire à se tarir ?
La nouvelle exposition FULL SENTIMENTAL replace les fondements de nos pratiques populaires et contemporaines au cœur d’une envie commune : faire de MEMENTO une « bulle sentimentale », une cure protectrice et régénératrice d’émotions. Là où Intelligence Émotionnelle prendrait le pas sur les pensées artificielles de nos mondes technologiques. Dans la tradition des mascarades et autres « bascules festives » les artistes invités, explorent ici le dérèglement et le « lâcher prise ». Quand la musique soigne les corps et les âmes, quand les masques et les confettis célèbrent l’humain et le non-humain, quand la création perce la surface de nos pensées artificielles. La culture populaire y côtoie soudain le féérique et le rend tangible. Les figures rituelles ou festives imaginées par l’humanité, incarnées lors de festivals, remettent en ordre de marche les connaissances du passé. Ici, la création contemporaine réanime les sa voir -faire et les sa voir -être qui ont bâti nos sociétés contemporaines. Car il s’agit bien de réveiller nos célébrations perdues en honorant les contre-cultures, le folklore et surtout les individus dans toutes leurs singularités et diversités. Les artistes puisent dans l’ADN de Lieu pour nous convier à des moments d’évasions collectives. En déréglant nos zones de confort, ils replacent l’œuvre au-delà du simple « voir » pour perturber nos sens et les remettre en éveil. Telle une partition, les espaces d’exposition s’entrechoquent pour créer une mélodie artistique fondée sur la contemplation, l’ironie et la célébration. Suspendues dans le temps, les œuvres interfèrent sur le réel. Une magie de la banalité s’infuse alors dans les murs du carmel et ravive nos perceptions désaccordées.
MEMENTO, espace départemental d’art contemporain, oeuvre depuis son ouverture à tisser un lien singulier entre la création contemporaine, l’esprit du lieu et les visiteurs. Cette rencontre s’inscrit maintenant dans la durée. Elle s’expérimente et s’élabore dans une approche sensible qui nous engage intimement, aiguise nos perceptions et cultive le plaisir des émotions. Dans un désir constant de partager des aventures artistiques fécondes, il nous tient alors à coeur de développer de véritables expériences à vivre. Aussi porteuses d’imaginaires que de matières propres à éclairer notre appréhension du monde, elles proposent ainsi une traversée physique du sensible. Dans ce réel parfois oppressant, nous nous tenons fermement à distance de la tentation du repli sur soi et du refus de ce que l’on ne reconnaît pas. Aux normes séductrices que les médias sociaux véhiculent massivement, nous préférons l’aventure du doute et des surprises pour aller au-devant des ressentis et laisser place à la générosité des puissances créatives. L’exposition UNION LIBRE est née de cette volonté de déplacer en marge la sécurité rassurante des pensées normatives pour accueillir en son coeur les contrées de l’inattendu et de la délectation. MEMENTO habite cet ancien carmel dédié à la vie communautaire de femmes recluses. Il en ouvre les clôtures pour reconnecter le monde intérieur au monde extérieur. Ce faisant, MEMENTO infuse autant qu’il diffuse pour devenir un matériau palpable offert à la création artistique, propice à bâtir de nouvelles relations aux imaginaires. Cet hiver, dans l’âme des murs, cette édition s’est élaborée avec la nécessité impérieuse de repenser l’exposition comme un terrain commun pour mettre en partage les valeurs humaines et artistiques qui font le ciment de notre fervente croyance en l’art. Ici, le plaisir, le savoir-être couplé aux savoir-faire se livrent dans une aventure collective généreuse à l’image du lieu. L’histoire se construit avec des certitudes d’artistes et d’oeuvres, se noue alors cette magie des évidences que j’affectionne tant. Vivre cet élan de l’intérieur ne pouvait s’accomplir pleinement sans ce désir de convier d’autres penseurs de l’exposition qui travaillent aux côtés des artistes et dont la vision croise mes convictions dans une sensibilité commune. UNION LIBRE a pris forme dans ces explorations partagées où se sont exprimées nos singularités, facteurs de synergie et d’émulation. C’est ainsi que Jean-Francois Sanz, auteur et commissaire d’exposition indépendant, et William Gourdin, chargé d’exposition aux Abattoirs, musée-Frac Occitanie Toulouse, ont répondu à cette invitation de fonder un imaginaire commun. Aux questions déjà évoquées s’est ajoutée la plus passionnante : celle qui interroge la possibilité de créer une affinité mutuelle dans une relation distincte aux oeuvres et à l’art. Nous nous sommes réunis au croisement de nos sensibilités pour incarner ensemble une partition du sensible dans un corps à corps avec le lieu. Jean-François Sanz développe, depuis une vingtaine d’années, des projets qui font se côtoyer exigence artistique et ouverture à l’autre, aux autres. Il les conçoit en y traduisant son intérêt pour les marges, les contre-cultures, les avant-gardes où fusionnent culture populaire, littérature et musique. Devenu quasiment aveugle du fait d’une maladie génétique dégénérative, il a été contraint d’adapter sa pratique et de réorienter la conception même d’exposition. Au sein de MEMENTO, s’est amorcée une nouvelle expérience déplaçant la relation physique et mentale que nous entretenons avec le simple voir. Au coeur du musée des Abattoirs, dans des contrées insoupçonnées où l’histoire et l’humain se lient, William Gourdin élabore des expositions avec des oeuvres et des artistes de la collection publique du Fonds Régional d’Art Contemporain. Il défie depuis une quinzaine d’années le « faire exposition » dans des lieux aussi insolites que chargés d’histoires pour fonder de nouvelles passerelles avec les publics. Puisant dans la mémoire de MEMENTO, le bel esprit communautaire de nos jonctions s’est emparé du caractère et de la personnalité des espaces d’expositions. Ensemble, nous avons porté toutes nos croyances dans cette attention aux artistes et aux oeuvres dans l’espoir de nourrir le ferment d’une communion artistique et humaine ouverte à toutes et tous. Cette exposition, présentée dans des espaces aussi inaccoutumés qu’envoûtants, révèle cette UNION LIBRE fondée sur l’enrichissement relationnel par l’amour de l’art. Ici, le corps, le mouvement, la perception et les ressentis s’unissent pour impulser une micro-société du sensible.