Vit à : Colombes , France
Béatrice Andrieux, titulaire d’un DEA en Esthétique sur les artistes du Land Art et leurs pratiques de la photographie comme documents d’archives à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, est commissaire indépendante et critique d’art.
Elle développe depuis une quinzaine d’années une pratique critique contribuant à différents supports de presse artistiques. Depuis quelques années, cette pratique d’écriture s’est prolongée par une pratique curatoriale dans les champs de la photographie et de l’image contemporaine.
Sa formation et son parcours lui permette de mettre en perspective l’histoire de la photographie et l’actualité de ce médium au travers de projets d’expositions prospectifs, à la fois attentifs à la scène française et mettant en lumière des artistes de différentes scènes artistiques notamment sud-américaine. En septembre 2023, elle a d’ailleurs présenté la première rétrospective de l’artiste Chilienne Paz Errázuriz à la Maison de l’Amérique Latine à Paris avec un livre publié aux éditions exb pour la première fois en français. En 2020, elle avait expose le travail de l’artiste argentin, Miguel Rothschild a la Maison de l’Amerique Latine. En parallèle, elle été commissaire de l’exposition rétrospective de Philippe Ramette en septembre 2023 au Bonisson Art Center a côté d’Aix en Provence.
Directrice d’un Festival en Suisse en 2015, elle a invité Georges Rousse à réaliser une œuvre in situ et l’artiste anglo-portugais Edgar Martins à utiliser les espaces du Château de Gruyères. Elle a été commissaire invitée aux Rencontres d’Arles en 2017 pour l’exposition collective « Levitt France, une utopie pavillonnaire ». Plus récemment au CRP/ Hauts de France en juin 2019, elle a été invitée comme commissaire pour un projet autour de sa collection intitulé « Inédits ». Elle a organisé une exposition personnelle consacrée aux polaroids de Corinne Mercadier en 2020. En 2021, elle a présenté la dernière série de Yann Delacour. En 2021, elle a été invitée à la Fondation A à Bruxelles pour une exposition autour de la collection d’Astrid Ullens, intitulée « Regards de femmes », accompagnée d’un catalogue.
Les passerelles qu’elle a dressées au travers de ses projets entre la sphère privée des galeries et celle des institutions, notamment aux Etats-Unis avec la foire Aipad, viennent nourrir ses différents projets.
en 2011, livre co-écrit avec Quentin Bajac et Michel Richard, « Lucien Hervé/Le Corbusier Contacts » publié au Seuil.
En 2022, catalogue « Regards de femmes » publié chez Toluca.
En 2023, livre « Paz Errázuriz, Histoires inachevées » publié chez exb.
En 2023, catalogue « Philippe Ramette », publié aux editions Bonisson Art Center.
Depuis 2016, elle a collaboré au Quotidien de l’Art/Ideat/ Connaissance des arts Photo/.
« Paz Errázuriz, Histoires inachevées », première exposition monographique dans une institution parisienne et première monographie en français déroule sur plus de quarante ans l’œuvre de Paz Errázuriz, figure majeure de la photographie chilienne. Des toutes premières séries réalisées dans les années 1970 aux plus récentes et inédites, telles que Ñuble, Próceres et Sepur Zarco, les images de Paz Errázuriz témoignent d’un engagement féministe et social. La photographe regarde les invisibles, ceux qui vivent à la marge ; un travail qui résonne d’autant plus fortement aujourd’hui qu’il fait écho aux bouleversements de la société actuelle. Son travail au long cours lui permet de nouer des relations fortes avec ses modèles, femmes et hommes posent fièrement, parfois s’abandonnent, donnent accès à une part de leur intimité.
L’ouvrage accompagne la première exposition personnelle de l’artiste dans une institution parisienne, à la Maison de l’Amérique latine, sous le commissariat de Béatrice Andrieux.
Extrait du catalogue:
Philippe Ramette intègre la Villa Arson dans les années 1980, où il développe sa pratique entre réflexion visuelle et processus mental. Si le langage est souvent le point de départ d’un projet, à travers un jeu de mots ou bien une expression, les rêves ont exercé une influence considérable nourrissant sa relation contradictoire au monde. A travers une quarantaine d’œuvres, l’exposition permet de découvrir l’œuvre protéiforme du plasticien oscillant entre l’art du burlesque et une critique de nos vies contemporaines autour des notions de point de vue, d’autonomie et de convictions. « La sortie des Artistes » (2016), pièce très peu montrée, qui ouvre l’exposition, correspond à une sorte de vanité. Philippe Ramette part du constat que tout artiste, tout être humain, peut être incité à prendre la sortie. Ce sont là des préoccupations qui le questionnent. C’est aussi l’évocation de l’idée qu’un artiste peut être dépossédé et ne plus correspondre à ce qu’on attend de lui. Paradoxalement, c’est aussi une pièce optimiste, si on accepte de la lire comme elle est construite, avec d’un côté un escalier qui mène à une porte qui ne donne sur rien. Nous sommes donc incités à faire marche arrière, à revenir dans le monde. La pièce devient alors une incitation à continuer, à créer de nouveau. Elle invite le spectateur à se forger sa propre conviction. Il y a toujours chez Philippe Ramette une double lecture dans laquelle intentions et sentiments contradictoires s’entremêlent. La photographie du « Fauteuil à coup de foudre » (2001) donne des éléments de compréhension de son système de pensées. Philippe Ramette se met toujours en scène dans ses photographies, saisissant par la prise de vue, un instantané de sa propre vie dans lequel il aime y ajouter les objets de sa création. Le couple assis, regarde chacun en face de lui, en attente d’un possible coup de foudre. La « Sculpture apaisante » (2011), créé pour l’exposition au CRAC de Sète, constitue une forme d’ambiguïté puisque c’est la représentation d’un anxiolytique dont le titre, évoquant l’effet apaisant, génère paradoxalement un questionnement à cause de l’agrandissement du médicament. En le découvrant, on peut tout aussi bien se dire que le désir d’apaisement est motivé par une angoisse préexistante. La question du corps, d’habiter l’espace ou de s’en affranchir pour mieux le réinventer est omniprésent dans sa pratique avec notamment les petites sculptures en bronze, dont celle intitulée « repousser les limites » (2022). Quant à l’installation de « l’espace meeting » (2007) la pièce vient illustrer avec drôlerie la notion de la représentation du monde du travail et de ce que pourrait être une salle de réunion.
Inédit(s) CRP/ Douchy-les-Mines
L’exposition Inédit(s) présente un ensemble de photographies de la collection du CRP/. Rassemblant neuf artistes venant de différents pays (Belgique, Canada, Etats-Unis, France, Grèce, Irlande), elle raconte une histoire composite aux expressions variées. A partir des 9000 tirages de la collection un choix s’est opéré sur des tirages inédits n’ayant jamais été exposés au CRP/.
Par la diversité des styles et des techniques utilisées, Inédit(s) met en lumière des fragments retrouvés qui par-delà les années retracent une histoire de la photographie depuis la création du CRP/.
The Spectre, Miguel Rothschild. Maison de l’Amérique Latine, Paris
Entretien Béatrice Andrieux – Miguel Rothschild
Paris- Berlin, juillet 2019
1/ La question de l’image trouée, brûlée, perforée est centrale dans votre pratique artistique depuis vos débuts. Quelles interprétations donnez-vous à cette approche de la transformation du médium?
Par la transformation du medium, je m’intéresse principalement à la question de la lecture de l’image. Je propose une deuxième lecture pour en changer la vision. Dans le cas précis de ce nouveau travail, j’ai été fasciné par les formes engendrées par la fumée d’un feu de forêt dans la campagne de Grenade. Je les percevais de manière si intensément qu’elles me faisaient penser à des esprits, comme sortis de l’intérieur du paysage. Cette impression dégageait un mystère qui me fascinait. En intitulant l’exposition “Le Spectre”, je renforce cette autre manière de regarder la photographie. Je brûle une partie de mes tirages en suivant les formes que suggère la nature, en maintenant seulement la fumée intacte à laquelle je donne une présence plus importante et plastique. Avec les brûlures, je réalise des ombres avec des formes irrégulières et inquiétantes qui évoquent le même feu de manière fortuite tout en renforçant cette vision. Je suis particulièrement intéressé à jouer avec l’idée de quelque chose d’absurde que l’on pourrait lire dans la fumée de la photographie.
Dans une précédente série, j’ai percé mes photographies à l’aide d’une perforeuse. Les éléments obtenus ont été ajoutés dans le cadre comme confettis créant un double-jeu entre le tragique et le festif. J’ai aussi travaillé avec des avançons, des vitres cassées, des épingles sur des photographies. Jamais le choix du matériel utilisé n’est fortuit. Chacun de ces matériaux a des contenus et des références spécifiques qui, en les intégrant dans mes photographies ouvrent de nouvelles lectures possibles.
2/ Au départ de votre pratique, la performance était très présente dans vos créations. Puis elle a évolué vers une approche transdisciplinaire où se mêle sculpture, installation et où la photographie tient une place importante. Comment expliquez-vous cette direction?
J’ai toujours travaillé de manière interdisciplinaire. L’utilisation de la photographie est apparue comme un moyen mais jamais comme une fin. Je ne me suis jamais défini comme photographe. J’ai commencé à utiliser la photographie comme un outil qui me permet de jouer avec des images de la réalité pour les transformer. Mais dans mes expositions, j’ai coutume de créer des dialogues entre les œuvres qui sont sur les murs et les objets qui sont dans l’espace (ces objets sont réalisés parfois à partir de photographies et d’autres non). Je pense que ce dialogue donne du dynamisme à l’exposition. Je ne suis pas intéressé par le medium, que je peux toujours changer, mais par ce que je peux exprimer à travers lui. C’est ce qui définit mon travail.
3/ Dans le contexte particulier d’une carte blanche au sein de la Maison de l’Amérique latine, comment avez-vous appréhendé le lieu?
Pour la Maison de l’Amérique latine, j’ai pensé à une série d’oeuvres qui, à mon avis, peuvent être reliées au courant du réalisme magique, caractéristique selon moi d‘une grande partie de la littérature latino-américaine. Associer la réalité, symboliser par la fumée, à des esprits, des spectres de la nature, c’est la doter d’une certaine religiosité magique qui m‘interpelle. En cela, je relie mon projet de la Maison de l’Amérique latine à l’histoire de ce courant littéraire sud-américain.
L’espace presque carré de la salle invite à exposer un concept concret, fermé. C’est pourquoi, je présente un ensemble d’oeuvres qui montrent différentes approches autour d’un même thème central. En les faisant dialoguer entre elles pour créer un mystère, je poursuis ma recherche sur le double jeu, la double lecture dans ma pratique.
Ce qui m’intéresse, c’est la possibilité de voir la réalité avec un autre regard en y incorporant un mystère, une spiritualité.
AIPAD, New York (USA)
Directrice artistique de la Foire américaine à New York.
Corinne Mercadier
Depuis de nombreuses années, Corinne Mercadier marque de son empreinte le paysage photographique contemporain. Par son approche unique et inventive, elle est passée de l’argentique au numérique avec le même souci de la précision, approche dans laquelle la place du dessin fait sens – dessins préparatoires, peintures sur verre, séries indépendantes. Les trois séries inédites exposées témoignent de sa création prolifique et de son imagination toujours en éveil pour articuler son espace mental à l’espace public où objets et rêveries contribuent tour à tour à fabriquer des tensions historiques.
Par-delà les références et les icônes qui l’accompagnent depuis ses débuts comme Etienne-Jules Marey connu pour ses travaux sur la décomposition du mouvement, de l’air notamment, et sur l’invention de la chronophotographie, Francesca Woodman pour sa capacité à s’échapper du cadre, à se dissoudre dans ses mises-en-scènes, ou Berenice Abbott pour ses expérimentations de rebonds multiples d’une balle de golf, Corinne Mercadier compose une autre réalité où la photographie scénarise une image du temps et où le dessin sur la photographie précisément dans la série Eternel retour, suggère une image d’un temps caché, invisible, absurde, impossible.
C’est ainsi qu’elle réalise à la fin des années 80 ses premiers Glasstypes, des peintures sur verre, réinterprétations du décor à l’Annonciation à Sainte-Anne de Giotto, qu’elle photographie au Polaroid SX70 sous différents angles dévoilant une autre architecture, un autre point de vue. Ces œuvres uniques, par leur va-et-vient entre la peinture et la photographie, illustrent l’écriture de Corinne Mercadier. L’arrêt du Polaroid SX70 en 2008 l’amènera à découvrir et s’approprier la technique du numérique dont elle se saisira avec la même créativité.
Dans ses dessins de la série Eternel retour (2020), elle utilise la trame d’image comme trame d’histoire. À partir d’impressions numériques sur papier des séries De Vive Mémoire (2019) et Espace second (2018), elle redessine au crayon, à l’encre et à la gouache pour articuler autrement son récit. De nouveau l’unicité est au centre de sa pratique nous conviant à réinterpréter des images existantes dans lesquelles objets et formes, souvent des sphères et autres corps volants, apparaissent.
Pour sa dernière série La nuit magnétique (2022), elle intègre de nouvelles peintures sur verre (des nuages, fumées ou polyèdres lumineux) dans ses prises de vues où voisinent architectures contemporaines et baroques, du nouveau Musée Narbo Via de Narbonne à la Chapelle de la Vieille Charité de Marseille. Pour Corinne Mercadier, ces différents lieux, muséaux pour la plupart, sont choisi « à un moment où leur usage est suspendu, ils sont vides d’objets et de présence humaine, et cette absence crée une étrangeté propice à la rêverie ». Imperceptiblement, l’air de rien, les compositions entre photographies et peintures deviennent des scènes fictionnelles où l’on devine un décor réel qui se dilue dans l’imaginaire. Corinne Mercadier travaille la lumière et le point de vue dans sa cohérence des règles du rêve et non de la réalité. Elle joue avec la transparence et l’immatérialité pour donner corps à ses rêves. Nous pouvons l’accompagner dans ce voyage intérieur et pénétrer dans sa pyramide fictive.
Béatrice Andrieux
Hors-scène
Claire Adelfang
Diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2010, Claire Adelfang s’est rapidement tournée vers la pratique de la photographie avec une attention particulière pour la représentation architecturale. Une architecture industrielle, militaire ou bien patrimoniale mais privée de présence humaine que l’on devine par les vestiges laissés dans les bâtiments historiques représentés. Pour autant, son approche ne s’apparente pas à celle d’une historienne ni d’une d’archéologue. Elle s’accorde plutôt à scruter les détails périphériques et ce qui n’est pas visible à première vue. Dans chacune de ses séries, son protocole demeure identique, avec l’utilisation d’un format carré et de compositions frontales serrées. Ses grands formats lui permettent de s’immerger pleinement au cœur d’un élément allant jusqu’à atteindre une forme d’abstraction. Claire Adelfang prolonge à dessein le mystère des lieux au travers d’œuvres inédites du domaine de Versailles et du Palais Garnier.
Invitée à réaliser une commande photographique par l’Etablissement du château, du musée et du domaine national de Versailles, Claire Adelfang redécouvre ce haut lieu historique et particulièrement la Petite Ecurie qui accueille des moulages et des sculptures du musée du Louvre. En les voyant, elle devine la puissance théâtrale de l’espace. Par le jeu des lumières, elle réussit à composer une mise en scène où la narration devient évidente. Pénétrer dans le Belvédère, le Pavillon français, lieux qui avaient vocation à servir de salon de musique, puis le Théâtre de Marie-Antoinette, permet à Claire Adelfang d’aborder une notion plus intime et intemporelle. Ce qui l’anime, c’est la représentation de l’architecture, comme théâtre domestique et théâtre de l’Histoire. Elle retient de ces lieux chargés d’histoires la portée d’une mémoire musicale. Volontairement, elle joue du paradoxe de se trouver dans un lieu historique pour essayer de tendre vers une abstraction temporelle. Son rapport avec la modulation de la lumière est également déterminant dans la construction de ses images.
Claire Adelfang poursuit son exploration du Palais Garnier débutée en 2015 en pratiquant le même « modus operandi ». Cette fois, elle ausculte la partie du souterrain, notamment la crypte et la salle des cabestans pour remonter jusqu’à la partie émergée pleine de faste et de spectaculaire visible avec la magnificence du grand lustre. De nouveau, elle fait un pas de côté en se situant hors-temps et hors-champ. Par l’utilisation même du format, elle bouscule les codes classiques de la prise de vue architecturale traditionnellement peu encline au format carré pour resserrer son sujet. Le volume des espaces s’en trouve sublimé par le jeu des lumières, toujours naturelles.
Le « Hors-scène » de Claire Adelfang devient une composition musicale et théâtrale avec des respirations, des rythmes différents, des moments de grâce pour mieux réanimer les lieux -dont elle aime à rappeler « la puissance évocatrice de l’envers du décor qui permet de se resituer dans un autre espace-temps » et les faire vibrer de nouveau.
Béatrice Andrieux
Regards de femmes
dans la collection d’Astrid Ullens de Schooten Whettnall
Commissariat Béatrice Andrieux
Fondation A du samedi 24 septembre au 18 décembre 2022
« Regards de femmes » propose une relecture de la présence des femmes artistes dans la collection d’Astrid Ullens de Schooten Whettnall. Passionnément impliquée pour sa Fondation, créée dans un quartier populaire de Bruxelles, la collectionneuse belge consacre toute son énergie à valoriser et aider les artistes tous genres confondus. Pour les dix ans de la Fondation A, l’idée de mettre en avant les artistes femmes de la collection devient une évidence pour Astrid Ullens de Schooten Whettnall. Les artistes collectionnées par une femme y sont présentées par une commissaire. C’est une histoire commune qui se veut ouverte, élargie aux artistes avec des pratiques transversales utilisant le médium pour un projet spécifique. Les dix-neuf femmes choisies ont toutes en commun un engagement au sein de leur communauté avec une volonté de dénoncer, de rompre les codes et de faire bouger les lignes sur la question de la justice sociale, de la féminité, de l’environnement. La perspective se veut également globale incluant des artistes d’Amérique Latine comme Paz Errazuriz, Yolanda Andrade, Luz María Bedoya, Kattia García Fayat, Adriana Lestido et Graciela Iturbide et des figures historiques comme Diane Arbus, Helen Levitt et Lisette Model. L’école allemande, présente dans la collection, révèle les séries d’Andrea Geyer et d’Ursula Schulz Dornburg ainsi que les travaux du couple Gabriele et Helmut Nothhelfer exposés pour la première fois, tout comme les tirages en couleur réalisés par l’italienne Francesca Gardini. Le projet qui réunit les œuvres de la canadienne Moyra Davey, des Américaines Zoe Leonard et Martha Rosler, de la sud-africaine Jo Ractliffe, et de l’américano-péruvienne Tarrah Krajnak vise à élargir le propos sur la mise en évidence des contextes historiques qui ont entouré, favorisé ou limité la reconnaissance des artistes femmes. Enfin le travail de l’immense portraitiste américaine Judith Joy Ross, exposé lors de l’ouverture de la Fondation il y a dix ans, illustre l’engagement de la photographe auprès des activistes ou des jeunes en échec scolaire. Chacune à leur façon, ces artistes déterminées, pionnières et uniques expriment une forme de résistance aux normes qu’elles soient sociales, genrées ou politiques. Elles nous rappellent que nous vivons dans un espace présent qui porte les traces indélébiles et éphémères de son histoire que nous devons continuer d’observer avec attention.
Béatrice Andrieux
Lumières du Nord
Partir à la découverte d’une autre culture, d’une autre géographie dans un pays balte, c’est ce qui a séduit le photographe et réalisateur Raphaël Gianelli-Meriano. Il y a près de vingt ans, il est invité à un festival en Estonie. Séduit par la beauté des espaces naturels et l’accueil des habitants, il y reste de longs mois. Plusieurs allers et retours lui ont permis de tisser des liens forts avec la population estonienne dont le célèbre poète Jaan Kaplinski, figure de la littérature contemporaine, sur lequel il réalisera un film « The Kaplinski System ».
À chaque voyage, de nouvelles prises de vues photographiques d’amis, d’artistes et de paysages le nourrissent pour ses films et réciproquement. Là-bas et sans jamais renoncer à l’une ou l’autre de ses pratiques, il décline des portraits intimistes en couleur et noir et blanc. Le territoire estonien l’inspire par sa nature brute, ses lacs embrumés et ses levers de soleil aux mille variations. Enfants, adolescents et adultes s’habituent à sa présence et se laissent photographier dans leur quotidien. Au gré de ses voyages, comme en Islande, il s’arrête pour observer attentivement les espaces qui s’offrent à lui.
À chaque fois, il pratique le même « modus operandi » : un détail le frappe qui l’entraîne vers une route, un chemin, une prairie. Alors l’image apparaît comme ces deux chevaux sauvages arrivés par surprise, ce linge gonflé par une rafale de vent ou encore ces cascades gelées abstraites. Curieux de nature, tous les sujets l’intéressent. Il revendique une liberté dans chaque technique utilisée.
D’autres pays l’ont inspiré par la suite, tels l’Angleterre et la Russie où il était parti pour observer, filmer et photographier les paysages et l’intimité de ses proches. De nouvelles histoires pour un possible scénario avec toujours des images sidérantes de beauté.
Béatrice Andrieux
Inédit(s) CRP/ Douchy-les-Mines
L’exposition Inédit(s) présente un ensemble de photographies de la collection du CRP/. Rassemblant neuf artistes venant de différents pays (Belgique, Canada, Etats-Unis, France, Grèce, Irlande), elle raconte une histoire composite aux expressions variées. A partir des 9000 tirages de la collection un choix s’est opéré sur des tirages inédits n’ayant jamais été exposés au CRP/.
Par la diversité des styles et des techniques utilisées, Inédit(s) met en lumière des fragments retrouvés qui par-delà les années retracent une histoire de la photographie depuis la création du CRP/.
NOTICES DES ARTISTES:
BIOGRAPHIES
ROBERT BOURDEAU
Autodidacte, le photographe canadien, Robert Bourdeau étudie l’histoire de l’art à l’université Queen de Kingston puis l’architecture à Toronto. Il débute la photographie en 1959 après sa rencontre avec l’américain Minor White (1908-1976) qui l’initie à une approche métaphorique de la photographie. Paysages, architecture et natures mortes illustrent sa pratique en noir et blanc essentiellement, depuis plus de 40 ans. Il a réalisé des images sur des sites industriels abandonnés dans le Nord et l’Est de la France. Ses œuvres sont présentes dans les grandes collections au Canada et aux Etats-Unis dont le Musée des Beaux-Arts du Canda, le Centre Canadien d’Architecture, l’Art Institute de Chicago ou le Musée des Beaux-Arts de Boston.
Né en 1931, il vit et travaille à Kingston (Ontario)
FREDERIC CORNU
En privilégiant une démarche systématique à la manière de l’Ecole de Düsseldorf, Frédéric Cornu dirige son travail sur les groupes humains depuis plusieurs décennies. Photographe engagé dans une réflexion sur la signification du portrait photographique, il revendique l’utilisation de la frontalité et de l’éclairage neutre qui caractérisent sa pratique en noir et blanc principalement depuis plus de 30 ans. La question du territoire nordiste et de ses habitants reste centrale pour lui.
Né en 1959, il vit et travaille à Lille
ARIS GEORGIOU
Aris Georgiou a obtenu son diplôme d’architecte à Montpellier à la fin des années 70. De retour en Grèce, il sera traducteur et producteur d’une émission sur l’art avant de se consacrer à la photographie avec une approche en lien avec l’architecture. Au fil des années, il deviendra un acteur influent dans le développement de la photographie en Grèce. C’est à lui que l’on doit la création du Festival International de Photographie de Thessalonique en 1988 « Photosynkyria » qui deviendra par la suite la biennale de la photographie de Thessalonique. C’est principalement grâce à sa collection, créé en 1987 avec deux autres photographes, que Aris Georgiou fonde le Musée de la photographie de Thessalonique dont il sera directeur de 1998 à 2002.
Né en 1951, il vit et travaille à Thessalonique
MARC GIBERT / Workshop de John Batho
Marc Gibert débute la photographie au début des années 80. En 1988, il rejoint le collectif de photographes le bar Floréal qu’il quitte en 2011. Depuis 2011, il mène des travaux personnels comme le projet « Au bord de l’eau, canaux parisiens » exposé au Parc de la Villette. Sa pratique de la couleur reste toujours en lien avec la ville et sa périphérie avec un intérêt pour les mutations urbaines. Il est lauréat du Prix Paysages européens de la Fondation EDF en 1992. Ses œuvres sont présentes dans plusieurs collections publiques : BNF, Fondation EDF, musée MIFAV(Rome), Fonds Départemental d’Art Contemporain de la Seine-Saint-Denis.
Né en 1951 il vit et travaille à Paris.
ANTHONY HAUHGHEY
Photographies, vidéos, installations d’images et travails sonore illustrent la pratique d’Anthony Haughey depuis le début des années 90. Il s’attache principalement à rendre visible les traces mémorielles lors de conflits. Son travail de vidéaste et de photographe est axé sur le terrain social et politique pour évoquer le conflit en ex -Yougoslavie notamment. Parallèlement à sa pratique d’artiste, Anthony Haughey enseigne au Dublin Institute of Technology depuis plus de vingt ans. Son travail a été exposé au CNP en 1996 et aux Rencontres d’Arles en 1998.
Né en 1963, il vit et travaille à Dublin.
CHRISTIAN MEYNEN
Christian Meynen s’intéresse principalement à l’architecture et l’urbanisme et leurs transformations. Entre 1983 et 1996, il réalise des photographies de différentes stations balnéaires du littoral belge. Son approche sobre des cités côtières révèle un style photographique maîtrisé à la frontière entre art et document. Ses tirages en noir et blanc, vides de tout présence humaine, constituent de véritables paysages urbains. Depuis ses débuts en 1978, il a effectué de nombreux travaux de commande avec les Archives de Wallonie et le Musée de la Photographie de Charleroi ou avec l’Espace Photographique Contretype.
Né en 1954, il vit et travaille à Bruxelles
LOUISE OLIGNY
Après des études en communication à l’Université du Québec à Montréal, Louise Oligny expose à la galerie Dazibao de Montréal puis en 1992 à la Bourse du Travail d’Arles. Installée depuis plus de 20 ans en France, elle a beaucoup travaillé pour la presse dont l’Express, Libération, Télérama et le Monde Magazine. Ces nombreux projets convoquent photographies, vidéos et compositions de l’intime. Depuis plusieurs années, elle a entrepris un travail personnel qui s’articule principalement autour de la dimension sociale avec notamment une série sur les femmes en prison.
Née en 1963 au Québec, elle vit et travaille à Paris.
MARY-ANN PARKINSON
Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris en 1973, en section sculpture, Mary-Ann Parkinson a fait des études de littérature comparative aux Etats-Unis. Avant de se consacrer à la photographie au début des années 80, elle suivra un stage de cinéma en Californie en 1976 et travaillera dans une troupe de recherche théâtrale. Sa pratique de la photographie essentiellement en noir et blanc reflètera son intérêt pour les ambiances cinématographiques et les approches narratives. Elle a exposé à la Galerie Vrais Rêves de Lyon au milieu des années 80.
Née en 1953 aux Etats-Unis, elle vit et travaille à Paris.
PHILIPPE TIMMERMANN
Autodidacte, Philippe Timmermann a commencé la pratique de la photographie dans les années 80 alors qu’il était ingénieur à l’Université de Lille. Si le traitement de ses premiers travaux en noir et blanc s’inscrivait dans une approche objective de la photographie à la manière des Becher, il a évolué depuis vers une pratique de la photographie en couleur moins référencée. Nus flous et paysages illustrent son travail récent avec une même maîtrise de la technique.
Né en 1948, il vit et travaille à Lille
Jeux de mains
Photographies de Yann Delacour
Commissariat Béatrice Andrieux
Le travail de Yann Delacour aborde la notion de corps et de variation. A partir d’un dispositif très précis, à base de miroirs et de gants en latex, Yann Delacour compose des images d’où émergent des formes hybrides et des paysages. Sur le principe inversé de l’ombromanie, les tirages réalisés selon un protocole clairement identifié, jouent des possibilités de la plasticité des mains et des doigts pour développer des jeux de perception, de transformation où les références à la théâtralité, à la prestidigitation et la sculpture sont présentes. La série « Variation I » constituée d’alternance entre images unitaires et superposées renforce la dimension performative de la séquence dans lesquelles mains et gants viennent perturber la lisibilité des formes. Dans « Variation II », les mains gantées du photographe, placées sur la tranche d’un miroir composent une scène. Les installations parfaitement visibles permettent de découvrir l’objet de l’illusion d’où jaillit des corps hybrides et des paysages. Le grand format en couleur « Finger Print » composé d’un pétale de fleur posé sur un doigt, ne cache rien de la règle du jeu. Photographie manifeste sur le lien fusionnel entre le corps humain et le corps végétal, l’image illustre le passage de l’information de l’empreinte du doigt à celui du pétale. Yann Delacour questionne notre rapport au monde, notre relation à notre propre corps et à nos origines, à un double paysage qui se recompose et se redéfinit dans un mouvement permanent.