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Camille BARDIN

biographie


Vit à : Paris , France

Camille Bardin est critique d’art, curatrice indépendante et fondatrice du podcast PRÉSENT.E. Après avoir écrit pour diverses revues, elle s’engage auprès du collectif Jeunes Critiques d’Art pour une critique qu’elle souhaite indépendante et engagée. Elle en devient co-présidente en 2019 et co-fonde la confédération internationale YACI la même année. Depuis 2020, elle anime le podcast PRÉSENT.E qui offre une plongée dans l’intimité de la création. Aujourd’hui, elle collabore également à la rédaction de catalogues d’expositions et de monographies. Elle présente chaque mois le podcast Pourvu Qu’iels Soient Douxces produit par Projets média et pensé par Jeunes Critiques d’Art ainsi que le podcast Fréquence Émergence produit par Artagon. Camille Bardin est lauréate du prix AICA 2021 et du Nouveau Grand Tour 2023.

EXPOSITIONS


Janvier 2024

Format à l’italienne – prix wicar 2023
Group show de Fanny Béguély, duo ORAN et Ludivine Large-Bessette.
Espace Le Carré, Lille, Janvier 2024.

Il peut être périlleux de concevoir une exposition qui réunit des artistes n’ayant a priori comme seul point commun que d’avoir partagé un même atelier. Le risque est que les pratiques se toisent sans jamais se rencontrer. Mais les travaux des lauréats du Prix Wicar 2023 entrent en contact sans que l’on ait à feindre leur proximité. Car d’une manière ou d’une autre, Fanny Béguély, duo ORAN et Ludivine Large-Bessette s’intéressent toustes à la notion de représentation. Si bien que leurs travaux nous permettent de mieux saisir l’impact que les images peuvent avoir sur nos corps. À la découverte de leurs oeuvres, il devient évident que la façon dont on représente les choses en dit long sur notre perception de celles-ci. On comprend également que l’inverse est tout aussi vrai : à force de frapper nos rétines, les images influencent nos croyances et travestissent nos désirs.

La première artiste en résidente à l’Atelier Wicar, Fanny Béguély, a concentré son attention sur les ex-voto – ces objets que l’on trouve un peu partout à Rome et qui sont offerts pour accompagner un souhait ou en guise de remerciement pour une grâce obtenue. Les photographies que l’artiste montre ici sont des traces des souffrances croisées dans la ville. Elles portent aussi au jour notre tendance à conférer aux images une capacité d’agir sur le réel. À leur tour, les membres de duo ORAN se sont intéressé·es à la manipulation des symboles. À Rome iels ont souhaité comprendre comment les fascismes s’appropriaient certains emblèmes pour mieux contraindre les esprits. Dans cette exposition il et elle font aussi la part belle aux discours des personnes qui luttent contre le gouvernement d’extrême droite au pouvoir en Italie et pour la justice sociale. Enfin, Ludivine Large-Bessette est partie sonder les chefs-d’oeuvre de la ville éternelle et plus spécifiquement ceux qui représentent des rapts de femmes. Il s’agissait alors de repérer la manière dont ces images ont pu ordonner nos désirs et in fine, d’imaginer des manières nouvelles de penser l’étreinte entre deux corps. Finalement, toutes et tous grattent les surfaces pour mieux déceler ce qui se joue sous l’épiderme des images.

Mai 2022

Dans un jardin qu’iels ont su garder secret
Solo Show L. Camus Govoroff
The Left Place, Reims, mai 2022.

En juin dernier lors de l’exposition diplomante de L. Camus-Govoroff aux Arts-Décoratifs de Paris, le jeu venait seulement d’être lancé. Le cloître et sa fontaine étaient là, déjà abandonnés depuis un temps : nous faisions face à la première étape d’un jeu vidéo fictif dans lequel nous autres spectateurices devenions les acteurs et actrices principales. La quête débutait alors dans une ambiance pesante. À l’époque, rodaient encore d’affreux personnages, perfides et malveillants, sortes de petits démons ; allégories des masculinités toxiques. Ils surveillaient que nul.le ne parvienne à atteindre cette fontaine. Notre mission d’alors était simple : les combattre pour enfin faire nôtre cette eau aux pouvoirs fantastiques… Depuis, les monstres qui la détenait ont tous été abattus.

Level completed.

En accédant à The Left Place, nous voilà donc projeté dans un entre-deux. La menace a bien été écartée, elle n’est plus. Alors avant d’accéder au niveau supérieur, nous est permis de déambuler dans cet espace-temps suspendu pour l’explorer et découvrir les items qui s’y trouvent. Heureusement pour nous, l’eau qui jaillit de cette fontaine n’a rien perdu de ses facultés. Son pouvoir est dû à un savant mélange de plantes : des racines de pissenlit, de lei gong teng et d’aloe vera dont l’action combinée aurait des vertus contraceptives. Celleux à l’origine de cette singulière mixture, parti.es peut-être depuis des siècles, étaient des adelphes aux savoirs émancipateurs, détenteurices de recettes garantissant leur indépendance et leur choix. Douées de savoirs empouvoirant, iels concoctaient ces liqueurs prompt à débarrasser leur corps de l’injonction à être de simples ventres, des outils de reproduction. J’aime à penser qu’iels étaient craint.es du simple fait d’avoir préféré les marges au centre. Ces adelphes, pour la plupart, des soeurs lesbiennes et mercenaires, avaient choisi de se retrouver entre iels, sans pères, sans frères, ni maris. Aujourd’hui il nous est permis de fouler leur lieu de vie, de découvrir leurs amitiés particulières et d’acquérir certains de leur savoirs millénaires. Une fois tout cela récolté il sera temps d’accéder au second niveau… Dans un coin, le lapin blanc patiente encore un peu, près à nous faire franchir les normes qui nous séparent de la prochaine étape.

oct. nov. 2021

FAIRE CORPS
Group Show à la Galerie Paris-B oct./nov 2021
Avec Ingrid Berthon-Moine, Sabrina Belouaar, Ren Hang, Kubra Khademi, Marion Mounic, Pauline Rousseau, Elea-Jeanne Schmitter, Hugo Servanin, Abel Techer et Sarah Trouche.

Oubliez vos leçons bien apprises, déplacez votre regard, extirpez-vous de ces espaces auxquels vous avez été assigné·e·s. Au-delà de la prise de conscience théorique, Faire corps tente d’identifier la manière dont nos réalités sont socialement construites et d’esquisser de nouvelles possibilités d’existence. À travers le travail d’une dizaine d’artistes, l’exposition propose d’identifier l’impact des stéréotypes de genre sur la façon dont on traite notre corps, dont on s’exprime, dont on se meut dans l’espace, dont on se projette dans l’avenir, en somme, la façon dont on vit. Chacune à leur manière, les œuvres nous motivent à débarrasser nos corps de ce régime épistémologique binaire qui contribue à la mise en minorité de groupes sociaux entiers.

L’exposition Faire corps, me suit depuis près de deux ans. Elle n’a pas pour ambition de décrire le concept de déconstruction mais de porter au jour des artistes qui, ces dernières années, m’ont accompagnée dans mes propres remises en question. Parfois intimes, parfois politiques — si tant est qu’il y ait une différence entre ces deux notions — les œuvres exposées ici sont des invitations à l’introspection, à la prise de pouvoir, au déploiement des corps minorisés.

Juillet 2020

Boys don’t cry
avec Jean Claracq, Romain Vicari, Mathieu Rocquigny et Lenny Rébéré

« Il ne faudrait pas pleurer, ne pas jouer à la poupée, ne jamais se montrer vulnérable, ne pas être trop féminin, ne pas avoir peur. Il faudrait savoir se battre, avoir des muscles et des poils, tenir l’alcool, être bien membré et toujours prêt à bander, avoir de l’ambition, être un bon père de famille, être hétéro, être un homme accompli, se surpasser, être viril et courageux.

Un homme, un « vrai », apprend depuis son plus jeune âge à tendre vers une masculinité qui serait toute naturelle, qui irait de soi. Si bien que toute personne qui sortirait de ce cadre serait amputée d’une partie de cette masculinité dont on fait arbitrairement l’hégémonie. Malheureusement, comme l’écrivait Simone de Beauvoir : « Un homme ne commence jamais par se poser comme un individu d’un certain sexe ; qu’il soit homme, cela va de soi. » Cette entreprise de naturalisation des identités de genre constitue dès lors un frein à toutes réflexions autour de ce qu’est un homme, de la manière dont il a été éduqué et dont on a construit son genre. Si les consciences féministes émergent aujourd’hui, les hommes doivent donc eux aussi initier leur déconstruction. Car nombreux sont les stéréotypes sexués masculins qui assoient la domination de l’homme sur la femme mais aussi, de manière plus insidieuse encore, qui motivent la domination de l’homme sur lui-même. (…) »

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